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Monde arabe

Pierre PICCININ da PRATA (Historien - Politologue)

VATICAN - Le pape et la capote : la dernière blague belge

Vatican - Le pape et la capote :  la dernière blague belge (Le Soir, 7 avril 2009, et La Libre Belgique, 7 avril 2009) - Texte intégral



« La distribution de préservatifs n’est pas une solution pour lutter contre l’épidémie de sida », aurait déclaré le Pape Benoît XVI, « mais leur utilisation, au contraire, aggrave le problème. »


Et c’est reparti : dans le monde entier, les médias se déchaînent, les politiques s’excitent, le citoyen lambda avale tout sans se poser de question, et ce petit monde s’emballe et fait haro sur le baudet.


Et le parlement belge de pousser le ridicule, non pas jusqu’à rappeler son ambassadeur près le Saint Siège (non, quand même pas…), mais à être le seul État du monde à protester officiellement contre « les propos irresponsables » du Pape (et même le CD&V et le CDH, anciennement « Parti Catholique de Belgique », ont voté la résolution, mercredi dernier; décidément, pour un 1er avril, on pouvait difficilement faire mieux).


Le ridicule? Et bien oui! Car la déclaration par laquelle nous avons commencé notre histoire n’est pas du Pape Benoît XVI… De qui, alors? Personne ne le sait au juste.

Ce que le Pape a réellement dit ? « Si on n’y met pas l’âme, si on n’aide pas les Africains, on ne pourra pas résoudre le fléau du sida par la seule distribution de préservatifs; au contraire, le risque est d’augmenter le problème, (…) sans respect et sans un juste comportement à l’égard de son propre corps et de celui de l’autre. »


Ha, bon?  Mais c’est tout à fait autre chose, alors!?


Ainsi donc, le Pape n’a jamais appelé les Africains à forniquer dans tous les coins, pourvu que, surtout, ils le fassent sans préservatif…


Benoît XVI n’a même pas condamné l’utilisation du préservatif. Il rappelle seulement (aux catholiques) que, au sein de l’Eglise, il y a quelques principes à suivre et que l’acte sexuel a pour cadre le mariage, dans le respect du couple (un propos précédemment développé par le Pape Paul VI dans l’encyclique Humanae Vitae et repris par Jean-Paul II, qui, alors déjà, avait été déformé en « interdiction du préservatif »; les mauvaises habitudes ont la peau dure…).


Plus simplement encore, le Pape, sans nullement renoncer aux distributions de préservatifs, a expliqué que cela ne suffisait pas et a appelé les catholiques à ne pas négliger le respect du partenaire, dans l’acte sexuel, et la dimension spirituelle de l’homme; une autre conception de la sexualité, qui doit participer à vaincre le sida.


Sont-ce là des « propos irresponsables »? Rien de bien différent, en fait, des résultats de l’étude menée par l’Université de Harvard, en Ouganda, le seul pays qui a vu son taux de contamination se réduire (alors que, partout ailleurs, l’infection augmente), grâce au plan ABC :  « abstinence, be faithfull (sois fidèle) and condom (préservatif) ».

Faudra-t-il dès lors faire condamner la Belgique par l’ONU, pour avoir remis en cause un moyen efficace de lutte contre le sida?


Et, contrairement à ce qui a été écrit un peu partout, le Pape n’a pas fait cette déclaration devant des foules de fidèles, qui auraient pu mal interpréter ses propos, mais lors d’un interview, face à des journalistes, dans l’avion qui le menait du Cameroun vers l’Angola. Et le Pape avait ensuite rappelé qu’une grande partie des organisations qui s’occupent des malades du sida en Afrique dépendent de l’Eglise catholique.
Devant les foules, Benoît XVI a par contre insisté sur l’importance de combattre le sida, de « s’opposer à l’irresponsabilité sexuelle » et de « cesser de considérer les autres comme des objets à manipuler ».

On l’aura compris :  la dernière blague belge du Parlement, ce 1er avril, fera encore bien rire toute l’Europe.


Ferait… si elle ne participait, malheureusement, indirectement, au malheur de l’Afrique.


Le but essentiel de la visite du Pape au Cameroun et en Angola était en effet d’attirer l’attention du monde sur les graves problèmes que connaissent les pays d’Afrique, surtout dans le contexte actuel de crise, que le Pape avait dénoncé, en octobre 2008, rappelant que « les moyens et les ressources dont le monde dispose aujourd'hui peuvent procurer une nourriture suffisante pour satisfaire les nécessités croissantes de tous » et incitant les responsables « à ne pas capituler face à la faim et à la malnutrition comme s'il s'agissait simplement de phénomènes endémiques et sans solution » . Hélas, par leurs « propos irresponsables », ceux qui ont d’abord déformé les paroles de Benoît XVI et ceux qui ont ensuite provoqué une polémique injuste et stérile n’ont réussi qu’à détourner l’attention de l’opinion publique des problèmes de l’Afrique, y compris de celui du sida.


Ainsi, peut-être le Parlement belge aurait-il mieux agi en protestant contre le traitement réservé aux sans-papiers, qui ne trouvent abri ailleurs que dans les églises du Royaume.


Une chose est cependant certaine :  les Africains ne lui diront pas merci…


Lien(s) utile(s) :  Le Soir.

Coupures de presses :  Pape-capote.jpg (La Libre Belgique)et le-pape-et-la-capote.jpg (Le Soir).

 

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