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Monde arabe

Pierre PICCININ da PRATA (Historien - Politologue)

IRAN - De l'art de se débarrasser d'un ennemi

Iran - De l'art de se débarrasser d'un ennemi (Le Monde, 4 juillet 2009) - Texte intégral

 
 
Petite méthode pratique pour renverser un régime ennemi ou comment se débarrasser d’un gouvernement, en une leçon.


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Ambassade US - TéhéranEn sciences politiques, les vieilles recettes resservent toujours.

Ainsi, prenez un président qui vous empêche de contrôler à votre guise les ressources pétrolières de son pays, préférant en consacrer les bénéfices à développer une politique sociale en faveur des masses populaires.
Assaisonnez-le d’une bonne pincée d’opposition (pas trop légère quand même, sans quoi la sauce ne prendra pas) et faites monter au moyen d’une bonne logistique (celles dont vos « services » ont les « secrets »), et nappez d’une grande louche de campagne de presse internationale pour faire mousser le tout.

Vous pouvez servir, mais sans oublier toutefois une note de couleur, pour le coup d’œil, et quelques slogans simples, mais que vous aurez pris soin de rédiger en anglais, pour que l’opinion publique internationale y adhère sans difficulté (car, le persan, c’est fort peu pratiqué dans le monde).
Vous obtiendrez un beau résultat qui, vu de l’extérieur comme de l’intérieur du pays visé, aura toutes les apparences d’une véritable révolution (le tour de main, c’est de faire passer une position minoritaire pour majoritaire par un activisme acharné). Et inutile de perdre votre temps à en servir dans tout le pays :  seule la capitale importe vraiment.

Rien que de très banal, dites-vous ?
En effet, le procédé a été maintes fois expérimenté déjà…

Pour exemples, la chute de Milosevic, en Serbie, orchestrée par l’opposition avec le soutien des Etats-Unis et de l’Union européenne, en 2000 ; la « révolution rose », en Géorgie, en 2003 ; la « révolution orange », en Ukraine, en 2004 ; et, en 2005, la « révolution citron » ou « tulipe », au Kirghizistan, et la « révolution du cèdre », au Liban… Toutes ces « révolutions » se sont déroulées suivant le même schéma, très exactement suivant la même recette. Elles ont été le fait d’oppositions très minoritaires, mais financièrement et logistiquement assistées par l’étranger, par le gouvernement des Etats-Unis en l’occurrence, et ce, notamment, au travers d’ONG qui lui sont étroitement attachées et dont le meilleur exemple est la célèbre Freedom House, dont la présence est avérée dans la plupart de ces révolutions, qui ont toutes permis de se débarrasser de dirigeants opposés à l’influence nord-américaine, lesquels ont depuis été remplacés par des candidats « amis ».

En Iran-même, c’est une recette assez semblable que les Etats-Unis avaient mise en œuvre, en 1953 déjà, pour chasser du pouvoir le premier ministre Mohammad Mossadegh, qui, après avoir renversé l’impitoyable dictature du Shah, l’ami des Américains et des Britanniques, avait nationalisé les ressources pétrolières.
Et l’implication du gouvernement des Etats-Unis dans les événements qui secouent aujourd’hui l’Iran est désormais avérée, depuis qu’un des membres du Département d’Etat, J. Cohen, en charge des nouvelles technologies et des médias en relation avec le monde arabo-musulman, a ouvertement admis que l’administration Obama est intervenue auprès des responsables du service de « micro-blogging » Twitter, le principal service de messagerie en ligne au moyen duquel s’organise l’opposition iranienne, notamment pour la coordination des manifestations :  le 15 juin, le Département d’Etat a enjoint ces derniers de reporter une opération de maintenance, qui aurait rendu Twitter inutilisable pendant plusieurs heures, au moment, précisément, où se préparait la grande manifestation prévue ce jour-là. Les Etats-Unis ont ainsi permis à l’opposition d’organiser cette impressionnante mobilisation des ses partisans.

 

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Alors, quoi de plus normal que les autorités iraniennes s’inquiètent de ce qui se passe aujourd’hui dans leur pays ? Quoi d’étonnant, avec l’expérience du passé, à ce qu’elles déploient les forces de l’ordre pour ramener le calme dans les rues de la capitale, à la limite de déclarer l’état de siège ? Ou bien qu’elles se défient des diplomates étrangers en poste sur le territoire ? En particulier des Britanniques et des États-Uniens ?

Et, d’ailleurs, qu’aurait fait le président Sarkozy, si, au lendemain de son élection, les militants socialistes, déçu de la défaite de leur leader Ségolène, s’étaient rués dans les rues de Paris en hurlant à la fraude et en réclamant à corps et à cris l’annulation du scrutin, arborant des pancartes en anglais « where is my vote ? », brisant les vitrines des Champs Elysées et incendiant les automobiles parquées sur le boulevard Saint Germain ?

Et qu’aurait donc fait le président Bush (junior), le soir des élections de novembre 2000, si ses opposants démocrates avaient manifesté contre les irrégularités et proclamé leur candidat, Al Gore, vainqueur du scrutin ? Pourtant, sur ce coup-là, ils n’auraient pas dû hésiter un instant à descendre dans les rues, dans l’Etat de Floride pour commencer ; car, dans le cas de cette élection-là, il y en a eu, des fraudes, dignes d’une république bananière…

Rien d’étonnant à ce que le gouvernement iranien prenne les mesures utiles pour se protéger de son opposition qui, soutenue par les puissances occidentales et une presse internationale univoque, essaie depuis plusieurs jours de renverser le président élu, par une… « révolution verte ».

Dans le cas de l'Iran, toutefois, les Etats-Unis se sont attaqués à forte partie. Probablement, dès lors,ne peuvent,-ils raisonnablement, espérer une issue totalement favorable.

Le but, semble-t-il, serait, par contre, de faire passer un message...


Lien(s) utile(s) :  Le Monde 1 - Le Monde 2.

Développement :  Iran - Entre "révolution verte" et révolution de palais .


Coupure de presse :  le monde

 

Voir aussi : Leopold UNGER, Wolnosc prof. Piccinina, Gazeta Wyborcza, 6 juillet 2009.

 

Lire aussi : Les Iraniens défendent leurs droits sociaux et La République islamique en état de siège.

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