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Monde arabe

Pierre PICCININ da PRATA (Historien - Politologue)

EUROPE - L'extrême droite : l'arbre qui cache la forêt... Une démocratie en trompe-l'oeil

Europe - L'extrême droite :  l'arbre qui cache la forêt... Une démocratie en trompe-l'oeil (Le Soir, 18 novembre 2004,  La Libre Belgique, 19 novembre 2004 et La Chronique de Ligue des Droits de l'Homme 113, janvier-février 2006)

Fichier:Chirac Bush Blair Berlusconi.jpg   

Le Vlaams Blok change de nom et la peur de l'extrême droite envahit une fois encore la une des quotidiens. Elle inquiète. Et pourtant, les partis d'extrême droite ne constituent probablement plus un réel danger pour la démocratie.
Il ne s'agit pas ici de se positionner par rapport à l'interdiction de ces partis, interdiction pure et simple que prônent certains (car, aujourd'hui, il n'est plus interdit d'interdire, de moins en moins...). Est-ce que le peuple (qu'est-ce que "le peuple"?) ne serait pas capable de faire un choix sain? Faut-il dès lors le tuteurer dans ce domaine trop compliqué pour lui qu'est la politique ou, plus exactement, son choix ne serait-il "démocratique" que dans le seul cas où il correspondrait au politiquement correct du moment décrété par quelques-uns?

Mais le débat n'est pas là :  s'il faut rester combatif et contrer les foyers d'extrême droite là où ils existent pour éviter des dégâts locaux, comme en ont connu certaines villes du sud de la France ou d'Autriche, il est en revanche indubitable que la très grande majorité de la population n'a aucunement l'intention de s'abandonner dans les bras des partis d'extrême droite, dont le terroir se borne principalement aux couches les plus pauvres, les plus désespérées et dès lors les plus désorientées de notre société (là est le vrai problème à résoudre, et l'interdiction ne ferait qu'attaquer le symptôme, non la maladie), couches certes de plus en plus épaisses du fait du détricotage des acquis sociaux que connaît l'Europe depuis la fin du XXème siècle sur le modèle ultra-libéral nord-américain, mais dont l'expansion est toutefois contenue par la résistance de nos social-démocraties (pour combien de temps encore, cela dit?).

Les scores électoraux des partis d'extrême droite finissent ainsi systématiquement par plafonner et, si l'un de ces partis accède pour son malheur à une parcelle de pouvoir, il fait alors montre de son incompétence et son score se dégonfle comme ballon de baudruche. Preuve en fut l'imbroglio électoral qui vit en France la victoire écrasante de la "démocratie", sans que le candidat d'extrême droite n'améliore au second tour le score plafond qu'il avait atteint lors du premier tour, un score en fin de compte identique à sa moyenne nationale habituelle. Preuve également les revers accusés par l'extrême droite autrichienne.

Aussi, l'extrême droite, quand on crie au loup à tue-tête, ne serait-elle pas plutôt l'arbre qui cache la forêt? N'est-elle pas le paravent derrière lequel on dissimule les réels dangers qui menacent la démocratie?

Car, à bien y regarder, la victoire de la "démocratie", en France, ne fut-elle pas celle de "l'escroc" sur le "facho" (dixit nombre des électeurs qui manifestaient dans les rues)? Or, sans justice, sans vérité, pas de liberté et, donc, pas de démocratie.

Vérité? Comment faut-il qualifier un premier ministre (pouvoir exécutif) qui ment délibérément au Parlement (pouvoir législatif, élu directement par la nation et donc représentant du peuple qui seul est souverain et duquel seul doivent émaner les lois qui sont faites dans l'intérêt commun, par et pour le peuple)? 

Ce même premier ministre n'a-t-il pas entraîné son pays dans une guerre illégale? Et ne s'est-il pourtant pas maintenu au pouvoir par la suite, étouffant, peut-être même par la violence et le meurtre, toute tentative de faire la lumière sur son (ex)action? Le pire n'a-t-il pas été commis? Les fondements même de ce que nous appelons une démocratie n'ont-ils pas été ébranlés, bafoués, foulés aux pieds? 

Le peuple a cependant oublié le droit à l'insurrection tant défendu par les Lumières. Le confortable équilibre de l'homme couché a une fois encore prévalu. 

Pauvre Angleterre, qui découvre avec stupeur que même les notions de gauche et de droite en politique ne seraient peut-être plus que le souvenir désuet d'un temps imaginaire où les idéaux avaient encore cours.

L'Etat pourrait-il donc être confisqué par un groupe d'intérêt qui, tout en menant sa propre politique, à l'encontre de la volonté de la majorité des citoyens, laisserait croire au bon peuple que la démocratie est sauve?

Non, il n'est pas ici question des Etats-Unis d'Amérique, la "plus grande démocratie du monde" (après l'Inde, toutefois...), où une seule famille, pilier de l'industrie militaire et pétrochimique, s'est emparé du pouvoir et emploie l'Etat à mener des guerres à grande échelle pour conforter les intérêts de ses actionnaires (parmi lesquels un ancien premier ministre britannique bien connu et, très probablement, beaucoup d'autres personnalités qui préfèrent quant à elles demeurer dans l'ombre).

C'est plus exactement l'histoire d'un industriel de génie aux épaules très larges, pesant fort lourd, qui, poursuivi par la justice de son pays pour diverses affaires maladroites, a eu l'idée de faire du gouvernement une annexe de son conseil d'administration, de sorte à modifier les lois qui pouvaient entraver la marche de ses affaires (pourquoi passer par des hommes politiques corrompus quand on peut faire les choses soi-même?).

L'Italie se serait-elle rendue à la Cicciolina, au calcio et aux variétés débiles qui inondent les programmes de la RAI?

Et il aura fallu tous ces morts (des pauvres ploucs sans importance, cela dit, des gens comme vous et moi), pour que l'Espagne se réveille de sa torpeur politique, descende dans les rues et prenne conscience qu'il était probablement judicieux de se débarrasser d'un gouvernement qui, juché sur ce monceau de cadavres, mentait pourtant encore sans la moindre vergogne.

Au regard de tout cela, vraiment, l'extrême droite et ses slogans imbéciles n'apparaissent-ils pas dérisoires, vulgaires pièges à cons inoffensifs pour la démocratie?

C'est que l'on a tellement fait mieux depuis...

La démocratie? Est-ce maintenant qu'il faut rire... ou bien pleurer?


Lien(s) utile(s) : La Libre Belgique - Le Soir La Chronique de la Ligue des Droits de l'Homme (p.13).

Coupure de presse : L-arbre-qui--La-Libre-.jpg (La Libre Belgique) et Copie-de-L-arbre-qui--Le-Soir-.jpg (Le Soir).

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